L'augmentation des niveaux de leptine dans la prééclampsie provoque une cascade cardiovasculaire qui met la mère et le bébé en danger, révèlent ces travaux de cardiologues du Medical College of Georgia de l'Université d'Augusta. Cette cascade d’événements critiques de la chaîne d'approvisionnement en nutriments et en oxygène peut entraîner une naissance prématurée ou même le décès du bébé et, plus largement augmenter le risque de maladie cardiovasculaire à vie pour la mère et l’enfant.
On sait qu'environ 20 semaines après le début d'une grossesse, les femmes atteintes de prééclampsie connaissent une augmentation de la production de leptine par le placenta, mais les conséquences sont jusque-là restées inconnues. Or l’équipe vient de découvrir qu'une augmentation de l'hormone leptine -hormone de la satiété- à la mi-grossesse, associée à une réduction de l'appétit, produit un dysfonctionnement problématique des vaisseaux sanguins et une restriction de la croissance du bébé, en cas de prééclampsie, ce qui met la santé de la mère et du bébé en danger.
L’augmentation de la leptine, marqueur de la prééclampsie ?
C’est la question posée par l’auteur principal, le Dr Jessica Faulkner, physiologiste vasculaire au Medical College of Georgia, et son équipe.
La leptine, principalement produite par les cellules graisseuses, est également produite par l'organe temporaire, le placenta, qui permet à la mère de fournir à son bébé en développement des nutriments et de l'oxygène. On sait que les niveaux de leptine augmentent régulièrement au cours d'une grossesse en bonne santé, mais on ne sait pas exactement quelle courbe suit cette augmentation. L’hypothèse a été émise que la leptine puisse être un capteur naturel de nutriments au cours de la reproduction ou un facteur de croissance de nouveaux vaisseaux sanguins et/ou de stimulation de l'hormone de croissance.
Excès de leptine et dysfonctionnement endothélial : chez les patientes prééclamptiques, les niveaux de leptine augmentent plus qu'ils ne le devraient : la recherche révèle que cette augmentation excessive de la leptine entraîne un dysfonctionnement endothélial au cours duquel les vaisseaux sanguins se contractent, leur capacité à se détendre est altérée et la croissance du bébé s’en trouve limitée. Ainsi, lorsque les scientifiques inhibent le précurseur de l’oxyde nitrique, un puissant dilatateur naturel des vaisseaux sanguins –à l’identique de ce qui se passe dans l'hypertension-, cela reproduit à peu près l'effet de l'augmentation de la leptine au milieu de la grossesse.
Excès de leptine et constriction des vaisseaux : l’augmentation des niveaux de leptine induit une augmentation des niveaux d'endothéline 1 constrictrice des vaisseaux sanguins. À l'inverse, la suppression du récepteur de l'aldostérone, en l'occurrence des récepteurs minéralocorticoïdes présents à la surface des cellules qui tapissent les vaisseaux sanguins, permet de maintenir la fonction endothéliale normale.
En cause, un placenta mal formé ? Les chercheurs font l’hypothèse que chez les patientes prééclamptiques, à mi-grossesse, la croissance fœtale ne se déroule pas comme elle le devrait. Le placenta compense en augmentant la production de leptine dans le but de rétablir une croissance plus normale. Mais, cela semble entraîner l’effet inverse, induire le dysfonctionnement endothélial notamment, et nuire au développement du bébé.
Si la leptine avait déjà été associée à la prééclampsie, l’étude est la première à montrer que lorsque la leptine augmente, elle aggrave les symptômes de la prééclampsie. L’injection de leptine à des souris gravides dans le but d’imiter la poussée qui se produit dans la prééclampsie, confirme en effet la cascade d’événements décrits plus haut, la glande surrénale fabriquant davantage d'aldostérone, ce qui augmente la production d'endothéline 1, également par le placenta.
Ces travaux apportent ainsi une meilleure compréhension des mécanismes sous-jacents d’augmentation de la pression artérielle et d'autres dysfonctionnements des vaisseaux sanguins, pendant la grossesse, avec de nouvelles cibles thérapeutiques possibles permettant d’éviter des résultats dévastateurs pour la mère et le bébé. Il existe des médicaments comme l'éplérénone, un médicament de l'hypertension qui se lie au récepteur minéralocorticoïde et réduit efficacement l'effet de niveaux plus élevés d'aldostérone.
Les problèmes commencent probablement avec le placenta et un flux sanguin potentiellement inadéquat vers l'organe temporaire au début de son développement et l'échec ultérieur du développement des gros vaisseaux sanguins qui deviennent le passage des nutriments et de l'oxygène de la mère au bébé.
Alors que l’incidence de la prééclampsie s’accroît -et a presque doublé dans les pays riches- avec des facteurs de risque eux-aussi en hausse, dont l’obésité, l'hypertension artérielle chronique, le diabète de type 1 ou 2, les maladies rénales, les troubles auto-immunes avant la grossesse ainsi que l'utilisation de la fécondation in vitro (FIV), cibler les niveaux élevés d'aldostérone et de leptine, constitue une nouvelle option thérapeutique à ne pas négliger.
Source: Hypertension 5 May 2022 DOI : 10.1161/HYPERTENSIONAHA.121.18832 Midgestation Leptin Infusion Induces Characteristics of Clinical Preeclampsia in Mice, Which Is Ablated by Endothelial Mineralocorticoid Receptor Deletion
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