Cette étude d’une équipe de l'Université de Trondheim (Norvège), présentée lors du 38è Congrès annuel de la Société européenne de reproduction humaine et d'embryologie (ESHRE) alerte sur le risque accru d'hypertension maternelle pendant la grossesse, ou de prééclampsie, en cas de grossesse issue d’un transfert d'embryon congelé. Des données cruciales, face à l'utilisation croissante de la congélation d'embryons en procréation médicalement assistée (PMA)- et qui appellent à des décisions mieux éclairées, ainsi qu'à une surveillance cardiovasculaire plus rigoureuse de ce groupe de patientes.
Car ce risque maternel associé aux grossesses issues de transferts d'embryons congelés, de troubles hypertensifs et en particulier de prééclampsie, qui peut donner lieu ensuite à de multiples complications pour la mère et le fœtus est de mieux en mieux documenté ces dernières années : quelques études d’observation récentes ont en effet comparé les résultats des transferts frais et congelés. Cette nouvelle et large étude basée sur des données de registres nationaux et une comparaison des complications maternelles durant différents « types » de grossesse révèle que les grossesses après transfert d'embryon congelé présentent en effet ce risque accru,
un risque nettement plus élevé de troubles hypertensifs que les grossesses conçues naturellement.
Ce risque environ multiplié par 2 est également retrouvé dans une analyse de sous-groupe des naissances de frères et sœurs, qui a permis d’éliminer les effets de tout facteur parental dans les résultats. « Alors que le nombre de grossesses issues de transferts d’embryons congelés augmente de manière continue et dans le monde entier », précise l’auteur principal, le Dr Sindre H. Petersen de l'Université norvégienne des sciences et technologies de Trondheim « il est essentiel de prendre en compte ce risque au cours du suivi de la grossesse ».
Une technique de PMA en forte augmentation : la proportion de cycles de PMA par transfert d’embryons congelés vs frais est toujours en hausse en Europe. En 2017, ce taux atteignait 49 %, vs 38 % en 2014. Des tendances similaires sont constatées aux États-Unis et dans la plupart des pays à revenu élevé. Cette augmentation s’explique en partie par l'amélioration des méthodes de cryoconservation, la préférence actuelle donnée au transfert d’embryon unique, la réduction de l'hyperstimulation ovarienne et la stratégie de congélation totale ou « freeze all ».
L'étude analyse les données de plus de 4,5 millions de grossesses uniques, avec accouchement entre 1988 et 2015, consignées dans les registres de 3 pays nordiques. Parmi les conceptions après procréation médicalement assistée,
- 78.300 grossesses ont été issues de transfert d'embryon frais,
- 18.037 de transfert d'embryon congelé.
Par ailleurs, 33.209 naissances de frères et sœurs issues d’un transfert d'embryon frais ou congelé et d'une conception naturelle ont pu être comparées ;
Une association claire entre ce type de PMA et les troubles hypertensifs pendant la grossesse : l’analyse révèle en effet que :
- le risque de troubles hypertensifs pendant la grossesse est pratiquement 2 fois plus élevé dans les grossesses consécutives à un transfert d’embryon congelé que dans les grossesses après conception naturelle 7,4 % vs 4,3 % ;
- le risque de troubles hypertensifs dans les grossesses consécutives à transfert d'embryon frais est comparable à celui observé lors des grossesses naturelles ;
- la prise en compte de l'indice de masse corporelle (IMC) de la mère, du tabagisme maternel et du délai entre les accouchements n’affecte pas ces niveaux de risque ;
- de même, le risque d’hypertension maternel n’est pas modifié avec les autres méthodes de PMA (FIV, ICSI, durée de la culture embryonnaire ou nombre d'embryons transférés).
Les troubles hypertensifs de la grossesse comprennent l'hypertension gestationnelle et la pré-éclampsie, ainsi que les complications plus rares mais graves de l'éclampsie et du syndrome d'hémolyse avec augmentation des enzymes hépatiques.
Alors quels avantages spécifiques de la congélation d'embryons ? Si la question ne faisait pas partie du champ initial de l’étude, les auteurs rappellent que la cryoconservation facilite l'approche très favorable du transfert d'embryon unique, avec une amélioration des résultats de la mère et du fœtus, (en évitant les grossesses multiples). Le risque de troubles hypertensifs dans les grossesses issues de transfert d’embryon congelé pourrait être associé aux thérapies qui préparent l'utérus à l'implantation d'embryons. Ces thérapies, généralement hormonales substitutives, n’apparaissent pas en cause.
«Dans notre analyse, seulement 15 à 30 % des grossesses issues de transfert d’embryon congelé ont été déclenchées sur des cycles artificiels (donc après THS), ce qui semble peu susceptible d’expliquer la forte association relevée ». C’est donc bien a priori, un aspect inhérent au processus de congélation et de décongélation -par exemple des changements épigénétiques- qui apparaît responsable de ce risque de troubles hypertensifs.
S’il est encore prématuré de modifier les stratégies de traitement, s’il existe encore de bonnes raisons pour soutenir les avantages des transferts d'embryons congelés -notamment pour favoriser le transfert d'embryon unique- la décision entre un embryon frais ou congelé ne devrait être prise qu’après un dialogue éclairé entre le couple et le médecin.
Les auteurs appellent donc à poursuivre les recherches sur le mécanisme en cause avant de conclure plus définitivement.
Source: ESHRE 38th Annual Meeting 6 Jul, 2022 Frozen embryo transfers in IVF linked to greater risk of maternal hypertension in pregnancy