Les composés d'origine végétale connus pour leurs propriétés antipaludiques semblent pouvoir soulager efficacement le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), un problème de santé publique majeur qui touche des millions de femmes dans le monde. C’est ce que suggèrent ces travaux, menés à la Fudan University (Shanghai) et publiés dans la revue Science, qui soulignent non seulement la polyvalence des artémisinines, mais révèlent une nouvelle approche prometteuse pour prévenir et traiter ce syndrome.
Le SOPK est un trouble endocrinien qui affecte les femmes en âge de procréer et est associé à l'infertilité, aux fausses couches et à des complications de la grossesse. La condition est caractérisée par des taux élevés d'androgènes (hyperandrogénie) et est associée à un large éventail d'impacts sur la santé, notamment un dysfonctionnement métabolique, une ovulation altérée et souvent l'infertilité. Ses conséquences à long terme sur la santé sont multiples et comprennent l’hypertension, un risque accru de cancer ainsi que de troubles métaboliques et psychologiques.
Parmi les premiers signes cliniques qui poussent les femmes à consulter, figurent les irrégularités du cycle menstruel, l’acné et une pilosité excessive, cependant de nombreuses femmes hésitent à consulter et le diagnostic et le traitement du SOPK sont souvent retardés.
En dépit d’une forte prévalence du syndrome, les mécanismes sous-jacents du SOPK sont mal compris et les traitements médicamenteux se concentrent souvent uniquement sur des symptômes spécifiques avec une efficacité limitée. L’hyperandrogénie étant la principale caractéristique et cause de la plupart des symptômes et comorbidités associés au SOPK, les traitements visant à supprimer la production d’androgènes pourraient être bénéfiques.
Les artémisinines, qui font l’objet de cette recherche, exercent cet effet précisément en supprimant la production d'androgènes ovariens.
L’étude apporte les premières preuves de cet effet chez plusieurs modèles de rongeurs ainsi que chez une petite cohorte de patients humains. L’équipe évalue ici l'effet de l'artémisinine et de ses dérivés sur le développement du SOPK sur des souris modèles et découvrent que :
- l'artéméther (ATM), un dérivé de l'artémisinine isolé des plantes d'Artemisia, réduit la synthèse des androgènes ovariens en ciblant une enzyme cruciale dans la production d'androgènes, CYP11A1 ;
- l'ATM induit la dégradation du CYP11A1 en améliorant son interaction avec une autre protéine cible, LONP1 ;
- en effet, c’est la surexpression de LONP1 qui supprime la production d’androgènes ovariens.
Première preuve de concept chez les humains : une petite étude clinique pilote menée auprès de 19 femmes atteintes du SOPK, confirme en effet le potentiel thérapeutique de l’artémisinine :
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la prise de dihydroartémisinine – un médicament utilisé pour traiter le paludisme – pendant 12 semaines permet de considérablement réduire les biomarqueurs du SOPK ;
- de retrouver des cycles menstruels plus réguliers sans effets secondaires.
Si des recherches supplémentaires seront nécessaires pour comprendre pleinement les effets à long terme des antipaludiques et préciser les dosages et optimiser les résultats thérapeutiques, la découverte des artémisinines en tant que remèdes efficaces contre le SOPK constitue une nouvelle approche prometteuse pour les patientes souffrant de ce syndrome.
Source: Science 14 June, 2024 DOI : 10.1126/science.adk5382 Artemisinins ameliorate polycystic ovarian syndrome by mediating LONP1-CYP11A1 interaction