C’est l’hypothèse de ces experts de l'American Heart Association (AHA) qui résument, ici dans la revue Circulation, l'impact intergénérationnel de la santé cardiaque avant la grossesse. Alors que cet impact de la santé maternelle durant la période précédant la grossesse est déjà documenté comme critique sur le plan métabolique, cette synthèse de la littérature montre qu’il en est de même pour l’influence de la santé cardiovasculaire des femmes enceintes sur celle de leurs enfants à naître.
Ainsi, les processus biologiques menant aux complications de la grossesse commencent souvent avant la grossesse ; par conséquent, les interventions qui commencent après la conception pourraient manquer l'occasion de modifier la trajectoire du risque cardiovasculaire à la fois pour la mère, enceinte et pour son enfant. Cette revue suggère donc d’augmenter les interventions en Santé publique permettant d’optimiser la santé cardiovasculaire avant la grossesse, en particulier chez les femmes de communautés à risque plus élevé.
La prévention des maladies cardiaques commence bien plus tôt
Bien plus tôt que les médecins le pensaient, jusqu’à cette déclaration scientifique de l'AHA : « Optimiser la santé cardiovasculaire avant la grossesse pour améliorer les résultats chez les femmes enceintes et post-partum, et leur progéniture ». Cette synthèse des données disponibles reliant la santé cardiaque d'une femme à la santé cardiaque de ses enfants souligne également la nécessité de poursuivre les recherches sur l’impact de la santé des femmes, avant la conception, sur la santé de leurs futurs enfants.
« Les processus biologiques qui contribuent aux issues défavorables de la grossesse commencent avant qu'une femme ne soit enceinte »,
résume le Dr Sadiya S. Khan, professeur de cardiologie et de médecine préventive à la Feinberg School of Medicine de la Northwestern University (Chicago).
L'état de santé avant la grossesse : les facteurs clés pris en compte pour évaluer la santé cardiovasculaire sont basés sur le « Life's Essential 8 » de l’AHA soit, une alimentation saine pour le cœur, une activité physique régulière, ne pas fumer, maintenir un poids santé, surveiller sa tension artérielle, son cholestérol sanguin et sa glycémie, et avoir un sommeil sain. Sur la base de ce score, l’analyse révèle que :
- seulement 1 femme sur 5 présente une santé cardiovasculaire optimale.
Mauvaise santé cardiovasculaire avant la conception et complications de la grossesse : parmi ces complications, on retrouve l'accouchement prématuré, le diabète gestationnel, l'hypertension artérielle, la prééclampsie ou pour l’enfant une faible taille pour l'âge gestationnel. Ces complications de la grossesse sont également liées à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires chez les enfants : ainsi,
- la naissance prématurée est associée à un risque de maladie cardiaque accru de 53 % à l’âge de 43 ans ;
- un diabète de type 2 avant la conception est associé à un risque accru de 39% de maladie cardiovasculaire chez les enfants, à l’âge de 40 ans.
Si ces résultats « parlent » d'eux-mêmes, les preuves établissant un lien entre la santé de la Femme avant la grossesse et la santé de ses enfants, restent très limitées. Les experts appellent donc à des essais de grande envergure permettant de tester si l'amélioration de la santé cardiovasculaire globale avant la grossesse pourrait permettre de réduire les complications de la grossesse, l’incidence des décès et des maladies cardiovasculaires en population générale.
Et le mode de vie ? L’analyse pose également la question de prévention et du traitement des maladies cardiovasculaires par les changements de mode de vie comme l’adhésion à un régime alimentaire sain pour le cœur et la pratique régulière de l’activité physique, y compris chez les femmes enceintes. Des études de long terme devront également être menées sur le sujet.
La santé psychologique, le stress et la résilience ne doivent pas être laissés de reste chez les femmes enceintes, voire avant même la conception. Il manque des interventions pour les femmes les plus démunies, n’ayant pas accès aux soins de santé et de soutien. La recherche montre que les facteurs de stress à long terme comme la discrimination viennent ajouter un niveau de risque cardiovasculaire supplémentaire.
En conclusion, il reste une marge d’amélioration colossale de la santé des jeunes mères, avec une fenêtre d’intervention qui s’ouvre bien avant la conception : « La période précédant la grossesse offre une fenêtre d'opportunité unique pour prévenir équitablement l'incidence accrue d'issues défavorables de la grossesse, et pour interrompre ce cycle intergénérationnel de mauvaise santé cardiovasculaire ».
Source: Circulation 13 Feb 2023 DOI : 10.1161/CIR.0000000000001124 Optimizing Prepregnancy Cardiovascular Health to Improve Outcomes in Pregnant and Postpartum Individuals and Offspring: A Scientific Statement From the American Heart Association