La dépression est-elle le prix à payer lorsqu’on est une femme qui occupe un poste à responsabilité? Cette étude de l’Université du Texas (UT), présentée dans le Journal of Health and Social Behavior, le suggère, en montrant une association « dose-dépendante » entre les responsabilités et le niveau de fonctions assumées, et le risque de dépression chez les femmes. Sans surprise, l’étude aboutit à des résultats contraires chez les hommes.
C'est précisément l'association entre le niveau d'«autorité» professionnelle et les symptômes de dépression qui vient d'être évaluée par cette équipe de l'UT. L'auteur principal, la sociologue Tetyana Pudrovska, explique que «Les femmes qui ont le pouvoir, la capacité à embaucher ou à licencier et l'influence sur la rémunération de leurs équipes sont plus fortement touchées par ces symptômes de dépression ». En revanche, les hommes avec les mêmes responsabilités professionnelles présentent moins de symptômes de dépression que les hommes qui occupent un poste sans responsabilités élevées.
De nombreuses études ont déjà traité le sujet et les coûts psychologiques éventuels et/ou les avantages liés à la réussite et à la responsabilité professionnelle. Les inégalités sociales font partie des facteurs de stress qui menacent la santé, dont la santé mentale. La réussite professionnelle, sous cet angle, devrait plutôt qu'un facteur de stress, être un facteur de bonne santé, car elle confère un avantage socio-économique: Revenus plus élevés, latitude de décision, absence de routine et horaires flexibles. Autant d'avantages liés à la réussite professionnelle et à l'occupation d'une fonction de manager. Cependant, de récentes études ont aussi mis en évidence les aspects stressants d'un statut professionnel élevé, des niveaux d'autorité plus élevés pouvant entrainer plus de conflits interpersonnels, plus de stress et donc un impact sur la santé mentale.
Aux femmes, des facteurs de stress spécifiques : Les femmes en position de management vont être confrontées à des facteurs de stress sociaux spécifiques, comme les préjugés, la discrimination, probablement plus d'interactions sociales difficiles et une moindre communication, enfin elles recueilleront moins de soutien de leurs supérieurs et collègues de travail. Elles ont « plus de pression » et doivent obtenir de meilleurs résultats que les hommes pour prouver leur compétence. Enfin, les mères vont devoir aussi gérer leurs horaires de travail en fonction des besoins de la famille, « rattraper » lorsqu'un enfant a été malade, et gérer le double « fardeau » d'être une bonne mère et une bonne professionnelle.
En revanche, pour les hommes, les conclusions sont différentes. Les auteurs émettent l'hypothèse que les hommes tirent, de fonctions professionnelles de haut niveau, plus de bénéfices psychologiques pour moins de contreparties néfastes.
En tous cas, c'est l'objet de cette démonstration menée sur 1.302 hommes et 1.507 femmes d'âge moyen ayant obtenu leur diplôme secondaire (dans le Wisconsin) et participant à la cohorte Wisconsin Longitudinal Study.
L'analyse montre que
· les femmes à emploi sans responsabilité présentent un peu plus de symptômes de dépression en moyenne que les hommes à emploi sans responsabilité.
· Les femmes ayant des postes de management présentent généralement beaucoup plus de symptômes de dépression que les hommes au même niveau de poste.
Ce qui est donc frappant est qu'en dépit des avantages conférés par un poste à responsabilité et des bénéfices indirects associés à la santé, les femmes qui ont le pouvoir sont aussi celles qui ont le risque le plus élevé de troubles en santé mentale : «Ces femmes ont plus d'éducation, des revenus plus élevés, des professions plus prestigieuses, des niveaux plus élevés de satisfaction au travail et plus d'autonomie que les femmes sans ce niveau de poste. Pourtant, elles ont une santé mentale bien moins bonne que les femmes ayant un statut socioprofessionnel inférieur».
A statut professionnel élevé, dépression chez les femmes et santé mentale chez les hommes : Des années de recherche en sciences sociales suggèrent que les femmes qui occupent des postes à responsabilité vont devoir faire face aux tensions interpersonnelles, aux interactions sociales négatives, à l'isolement social, à une résistance de leurs subordonnés. Ensuite ces femmes sont souvent jugées plutôt de manière négative, sur le plan de la féminité. Tous ces facteurs contribuent à l'installation d'un stress chronique.
Les hommes auront moins de « résistance », sont en « harmonie » avec la norme sociale et leur leadership est « légitime ».
L'étude emet ainsi un appel, à lutter en pratique contre la discrimination professionnelle entre les sexes, en réduisant le coût et en augmentant la récompense psychologiques pour les femmes occupant des emplois de niveau supérieur.
Source: Journal of Health and Social Behavior Dec, 2014 DOI: 10.1177/0022146514555223 Gender, Job Authority, and Depression (Visuel © Alliance – Fotolia.com)
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